Retour sur la 3e journée de l'infocom : Les mondes de la fiction

Rendez-vous annuel de l’Institut français de presse (IFP), la journée de l’infocom a inauguré en 2025 sa troisième édition. Cette année, l’événement s’est déroulé le 20 février au Patio du Centre Assas. Le thème de cette journée était consacré aux relations croisées entre fiction et réalité. Ce temps fort a offert une nouvelle fois un espace privilégié de dialogue et de débats entre étudiants, chercheurs et professionnels des médias, du numérique et des mondes de la production de l’information et de l’audiovisuel. Son organisation est le fruit de la collaboration et participation actives des étudiants du Master 2 information-communication « parcours Médias, communication et villes numériques ».
Cette édition a notamment permis d’interroger la place de la fiction dans notre perception du monde et d’analyser la manière dont elle façonne la production de l’actualité tout en nourrissant les débats publics. Au fil des échanges, les étudiants venus nombreux, futurs professionnels des médias et de la communication, ont été invités à réfléchir au renouvellement des pratiques narratives. Ils ont notamment interrogé les possibilités d’explorer de nouvelles formes de récit plus inclusives et davantage innovantes.
Le rapport entre les œuvres de fiction et les récits informationnels demeure un champ d’exploration, car « réel » et « fiction » ne sont pas de simples opposés. Toute création fictionnelle repose en partie sur la transposition d’éléments issus du monde « dans son état actuel », parfois même amplifiés à l’extrême dans une quête de réalisme. Cette journée aborde justement le mouvement inverse : comment des éléments fictionnels — personnages, décors, récits — s’inscrivent dans les pratiques professionnelles et nourrissent notre rapport à la politique, à l’imaginaire collectif et, plus largement, à notre manière de faire société ?
Ce compte rendu met en lumière les temps forts qui ont rythmé les différentes conférences, tables rondes et ateliers de cette édition.
Fabriquer un langage sonore pour rendre compte du monde
Après avoir pris café et croissants, les invités ont assisté à la conférence inaugurale de Cécile Méadel, professeure à l’Institut Français de Presse, sur les images sonores dans la fiction et la production radiophoniques. Comment imiter le réel ? Comment faire entendre le monde ? Elle a souligné l’importance des sons dans la façon dont ils façonnent nos interprétations du monde et influencent nos représentations collectives. Malgré l’omniprésence de la radio dans notre quotidien, le son a longtemps été négligé dans les recherches, contrairement à l’image. Les Sound Studies, une discipline émergente cherchent à combler cette lacune en explorant la temporalité des sons et le rôle des médiateurs et des technologies dans la perception sonore.
Durant cette conférence, Cécile Méadel a expliqué comment, dès les années 1920, la radio s’est emparée de la fiction en adaptant le théâtre, le roman et le cinéma. Les premières retransmissions de pièces de théâtre posaient des défis techniques : comment rendre les mouvements des acteurs ou les émotions sans images ? La stéréophonie et le placement des micros sont devenus essentiels. Cependant, la présence simultanée d’un public en salle et à distance a complexifié l’expérience, conduisant à des innovations comme l’esthétique radiophonique de Jean Tardieu. Des auteurs comme Gabriel Germinet ont fixé des conventions pour créer une voix radiogénique et repenser le rapport entre réel et fiction.
Cécile Méadel, professeure à l'Institut Français de Presse © Jérémy Paoloni
La fiction radiophonique, tout en se nourrissant du réel, a dû inventer un langage sonore spécifique pour rendre compte du monde. Cela a conduit à la création de groupes professionnels, comme le métier de bruiteur, qui interprète les bruits pour les rendre perceptibles et crédibles. L’objectif de ce professionnel n’est pas de créer une phonothèque, c’est-à-dire un catalogue avec plusieurs types de son, mais de composer à chaque projet des sons qui peuvent se nourrir du réel pour donner sens à la fiction. Cette profession témoigne d’un métissage de techniques et des formats, dans la transposition de la réalité vers la fiction, de même qu’on cherche à faire la distinction de la fiction vis-à-vis du réel. Comme l’a rappelé Cécile Méadel, c’est parfois en restant fidèle à ce qu’on entend comme réel qu’on se trompe le plus dans la fiction.
Par exemple, dans Maremoto (1924), première pièce de radio-drame, Cusy et Germinet ont joué avec les limites entre fiction et réalité, provoquant une confusion chez les auditeurs qui croyaient assister à un naufrage en direct. Cette oeuvre illustre comment la radio construit une conscience critique. Ainsi, la fiction radiophonique, bien que cadrée par le médium et les paramètres du son, a contribué à fixer une grammaire sonore unique et plus largement à construire un langage radiophonique qui influence d’autres formes de contenus sonores.
La fiction peut-elle sauver la crise de la démocratie ?
La première table ronde de la journée a réuni Grégoire Biseau, journaliste politique et rédacteur en chef adjoint de M, le magazine du Monde, Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’Intérieur, Charles Hufnagel, directeur de la communication du groupe Carrefour et ancien conseiller en communication d’Édouard Philippe, ainsi qu’Anaïs Lançon, directrice de la communication au ministère du Partenariat avec les Territoires, de la Transition Écologique et du Logement. Ensemble, ils ont interrogé l’impact des fictions politiques sur notre perception du pouvoir et des institutions. La discussion a été modérée par Manon Cerdan, doctorante au Carism.
De The West Wing (NBC, 1999) à Baron Noir (Canal+, 2016), en passant par House of Cards (Netflix, 2013) ou La Fièvre (Canal+, 2024) les fictions politiques façonnent notre imaginaire sur le pouvoir et la politique et nous aident donc à mieux cerner la manière dont nous percevons l’action publique et gouvernementale. Reste à savoir si elles peuvent aussi redonner à la politique une part de grandeur et d’engagement.
Le débat a soulevé plusieurs enjeux : la responsabilité des producteurs et scénaristes, le réalisme des représentations et leur répercussion sur l’engagement politique des citoyens. Comment retranscrire l'intensité du monde politique à l’écran, sans pour autant en faire de la caricature ? La question a divisé les invités. Charles Hufnagel et Anaïs Lançon pensent que les oeuvres de fiction véhiculent souvent une vision caricaturale du pouvoir, focalisée sur les luttes d’influence au détriment de la réalité plus technique du travail politique : rythmée par la bureaucratie et la routine.
Les intervenants ont également questionné le choix des représentations : pourquoi la politique est-elle presque toujours racontée à travers le prisme du pouvoir et des machinations, alors que d’autres professions, comme la médecine ou la police, sont mises en avant sous un jour plus noble ? Grégoire Biseau a rappelé que les hommes politiques sont « des animaux étranges, mus par un désir extraordinaire », une énergie qui nourrit forcément la fiction. Mais cette dramatisation permanente de la vie politique, entre cynisme et manipulation, ne risque-t-elle pas de renforcer la défiance ? À l’inverse, ces oeuvres peuvent-elles contribuer à une meilleure compréhension du politique ?
Camille Chaize a souligné l’ambivalence du public, attiré par ces récits tout en se méfiant du monde politique. Elle a présenté la Mission Cinéma du ministère de l’Intérieur, une cellule rattachée au service communication du ministère qui accompagne les scénaristes et les producteurs afin d’améliorer la représentation de certains métiers, comme celui d’agent de police, dans les récits portés à l’écran, que ce soit au cinéma ou dans des séries.
Camille Chaize, Grégoire Biseau, Manon Cerdan (au centre), Anaïs Lançon et Charles Hufnagel © Jérémy Paoloni
Inventer des mondes, pas seulement des histoires
La journée s’est poursuivie avec une deuxième table ronde portant sur la manière dont la fiction véhicule, crée ou renforce des croyances collectives. Modérée par Héloïse Boudon (maîtresse de conférences à l’Université Paul Valéry - Montpellier 3), cette table ronde réunissait Séverine Barthes, maîtresse de conférences à l’Université Sorbonne Nouvelle, Dominique Choisy, réalisateur, scénariste et monteur, et Alessandro Leiduan, maître de conférences à l’Université de Toulon.
Les intervenants ont alors expliqué que les conditions de diffusion modifient la réception des oeuvres fictionnelles et peuvent combattre certains stéréotypes, mais d’autres facteurs entrent en jeu au moment de la réception, notamment la disponibilité du public, le mode et le lieu de diffusion. Une oeuvre perçue en salle de cinéma ne suscite pas les mêmes réactions qu’une oeuvre diffusée à la télévision, car son dispositif — un film vu sur grand écran, dans le noir et en collectif — favorise une attention difficilement atteignable dans l’espace domestique, où celle-ci est souvent concurrencée par d’autres activités ou par un certain lâcher-prise.
Alessandro Leiduan, Séverine Barthes, Dominique Choisy et Héloïse Boudon (à droite de l’image) © Jérémy Paoloni
Alessandro Leiduan introduit son discours par un rappel historique du rôle de la fiction. Il explique que celle-ci a toujours eu pour vocation de questionner la norme dominante. Notre premier rapport à elle repose sur la croyance et le mythe, mais est également un excellent dispositif de remise en question des idées préconçues. Elle suspend temporairement le jugement, permettant au spectateur de se projeter dans l’imaginaire d’un personnage différent de lui-même et d’expérimenter une vision du monde différente des histoires officielles : la fiction remplit alors une fonction proche de celle des mythes d’autrefois.
Les trois intervenants ont également débattu de la manière dont la fiction agit comme une expérience par rebond : elle propose des modèles, rend certains concepts plus concrets et agit comme une thérapie de choc pour le public - en particulier lorsque la fiction nous donne à voir des scénarios de notre avenir. Il reste difficile d’affirmer que les oeuvres de fiction font changer des comportements, en revanche elles ont le mérite de mettre en discussion certains sujets, et dans certains cas, contribuer à la mise en visibilité de problèmes publics émergents ou des revendications minoritaires. Ainsi, la question reste ouverte : la fiction peut-elle alimenter de nouvelles formes d’engagement ?
Quant à la question de la responsabilité, les intervenants entendent qu’elle est partagée entre les auteurs, les diffuseurs et l’audience. Si un auteur doit pouvoir créer librement sans être paralysé par une contrainte morale trop lourde, il n’en demeure pas moins traversé par une éthique qui influence ses choix narratifs. À ce constat, les intervenants ajoutent à la fin le besoin de voir émerger un espace critique sur la fiction : capable d’analyser en profondeur et de mettre en discussion les sujets, les personnages et les décors de manière approfondie.
Quand la fiction se nourrit du journalisme - et inversement
La dernière table ronde de la journée a rassemblé Théophile Cossa, journaliste et producteur éditorial à l’INA, Pascal Guérin, réalisateur et scénariste, Marie-Eva Lesaunier, maîtresse de conférences à l’Université Paris Nord, et Rémy Reboullet, producteur chez Talweg Production, au cours de laquelle ils ont pu débattre des nouvelles formes d'hybridation entre les genres fictionnels et journalistiques. L'essor des formats, qui mobilisent la dramaturgie pour raconter des faits réels en les transformant en récits fictionnels, connaît un nouvel essor grâce aux plateformes de streaming. La discussion a été modérée par Virginie Sonet, maîtresse de conférences à Aix-Marseille Université.
Ces formats sont particulièrement visibles dans les récits de crimes ou de faits divers. Ces productions adaptent des histoires de faits divers populaires pour en faire des séries à suspens. La série documentaire Grégory sur Netflix, ou D’Argent et de Sang sur Canal+, en sont de parfaites illustrations. Or, ces formats suscitent de nombreuses interrogations : comment ils influencent la perception de la réalité ? Leur hybridation répond-elle à des enjeux esthétiques, économiques ou encore éthiques ?
Cette hybridation n’est pas nouvelle. La Guerre des Mondes (1938) d’Orson Welles a réussi à brouiller la frontière entre l’oeuvre documentaire et l’oeuvre fictionnelle dès le début du XXe siècle. Ou encore dans la littérature, dans des oeuvres emblématiques du roman de non-fiction (ou du roman documentaire), comme celles de Truman Capote (1924-1984).
L’intérêt du public pour le croisement entre formats fictionnels et formats journalistiques repose sur une fascination pour le réel mis en scène. Le public devient un témoin privilégié de récits grâce aux enquêtes fictives et au suspense qui s’en dégage. Cette tendance s’est transposée vers les plateformes de streaming, qui ont bouleversé les manières de produire et de consommer des oeuvres audiovisuelles. Les spectateurs, désormais habitués à la délinéarisation des programmes et aux offres des nouvelles plateformes de streaming, ont contraint les chaînes télévisées à s’adapter à une audience, désormais fragmentée.
Marie-Eva Lesaunier, Pascal Guérin, Virginie Sonet (au centre), Rémy Reboullet et Théophile Cossa © Jérémy Paoloni
Les intervenants mettent en lumière la tension inhérente à ce constat : en imposant leurs propres codes esthétiques, narratifs et temporels, les plateformes de SVOD reconfigurent les logiques de conception et de structuration des récits fictionnels. Produire pour ces acteurs numériques nécessite de s’adapter à leurs exigences : rythme intensif de production et formats calibrés à leur ligne éditoriale (dont la nécessité d’accrocher le spectateur dès les premières secondes par des contenus engageants). Or, cette logique contribue-t-elle à accentuer l’uniformisation des récits et des esthétiques, avec des structures narratives de plus en plus standardisées ?
D’un point de vue économique, le documentaire représente un investissement moins coûteux que la fiction, ce qui encourage les diffuseurs traditionnels à en produire davantage pour alimenter leurs grilles de programmes à moindre frais. Cependant, les frontières entre documentaire journalistique et communication deviennent de plus en plus floues. Certains documentaires, financés ou produits par des personnalités ou des entreprises, servent parfois des intérêts promotionnels. Un exemple marquant est le documentaire sur Tony Parker, The Final Shot (Netflix, 2021), produit par une société détenue par Parker lui-même ou encore des séries documentaires commanditées par des marques, comme Chloé sur Karl Lagerfeld (Disney, 2024).
Cette hybridation entre divertissement et fiction pose aussi la question de la spectacularisation des faits divers. La mise en scène excessive de criminels ou d’affaires judiciaires en cours peut parfois transformer les coupables en héros de leur propre récit. Cette réalité soulève une fois de plus des questions sur l’éthique des professionnels qui tirent profit du sensationnalisme.
Penser la fiction comme ressource narrative pour l’information
Édouard Mounier, rédacteur en chef adjoint à France Télévisions, connu pour son travail dans l’émission 13h15 (France 2) a exposé brièvement son parcours professionnel et sa vision du journalisme. Passionné par l’image, Édouard Mounier s’est d’abord orienté vers un master en journalisme à l’IFP (2007-2009). Son parcours est marqué également par une spécialisation sur le Moyen-Orient à l’INALCO. Il a effectué un séjour en Syrie, qui lui a permis d’approfondir sa compréhension de la culture, de la langue et des enjeux locaux.
Durant ce grand entretien, mené par le journaliste Julien Azoulai, il était également question de la relation qu’entretiennent le documentaire et la fiction : alors que le reportage vise une certaine objectivité, le documentaire adopte les codes de la mise en scène du réel, qu’il emprunte à la fiction. À travers 13h15, l’équipe pousse encore plus loin l’hybridation entre journalisme et fiction, allant jusqu’à proposer des récits dystopiques. Elle évoque notamment l’épisode « Les secrets de la Tour - Épisode 1 - La Tour de Babel », dans lequel un faux débat est mis en scène autour de la possible démolition de la tour Eiffel en 2040. Une approche qui peut sembler s’éloigner des formats journalistiques traditionnels, mais qui puise directement dans l’actualité pour nourrir sa réflexion.
Toutefois, la production de documentaires par le service public n’est pas sans contraintes. Alors qu’un documentaire produit par Netflix peut disposer d’un budget d’un million d’euros, l’émission 13h15 doit produire ses épisodes avec seulement 200 000 € pour 90 minutes, ce qui oblige les équipes à maîtriser toutes les étapes de production, de l’écriture à la diffusion. Les magazines télévisés, autrefois présents sur toutes les chaînes dans les années 2010, peinent aujourd’hui à exister face à la concurrence d’autres contenus numériques, qui proposent des documentaires de haute qualité en ligne et personnalisés. Selon Édouard Mounier, il faut innover et trouver de nouvelles manières de raconter les histoires : la fiction apparaît alors comme une possibilité de renouvellement sans pour autant renoncer à une ambition informative.
Julien Azoulai et Edouard Mounier, anciens étudiants de l’IFP © Jérémy Paoloni
Analyse de film et documentaire-fiction
Le premier atelier a été mené par Fiona Bélier, directrice du Fablab « La Fabrique des Formats », qui était chargée d’analyser la relation entre la fiction et le documentaire. Fiona constate que ces dernières années, la fiction a pris de plus en plus de place dans les programmes audiovisuels, allant jusqu’à modifier les genres et créer des hybridations. Par essence, la fiction comporte des atouts qui permettent facilement de capter l’attention d’une audience grâce à l’émotion qu’elle suscite et au rythme qu’elle induit.
Cette hybridation des genres s'observe notamment avec le docu-fiction : composé de plusieurs épisodes, il reprend les codes sériels de la fiction et intègre des éléments narratifs émotionnels. L’insertion de la fiction dans les programmes documentaires, avec l’ajout d’éléments narratifs, permet de rendre le genre plus attractif et de capter le même public que celui des séries de fiction.
Parallèlement au grand entretien, deux ateliers professionnels ont eu lieu pour un public limité © Jérémy Paoloni
La télévision linéaire s'intéresse également aux atouts de la fiction pour développer leurs programmes de flux. Aux mécaniques de jeu s’ajoutent les codes sériels de la fiction, tels que les montages dynamiques et rythmés et le sens de l’intrigue par le suspens. « Mariage pour une lune de miel » en est l’exemple : grâce à l'intérêt suscité par certains participants et à l'intrigue habilement mise en scène par le montage, le public est incité à revenir chaque soir pour suivre leur évolution dans le jeu, où ils deviennent de véritables personnages.
La catégorisation des programmes aide à comprendre les attentes et besoins du public. Des études de cas spécifiques illustrent ces tendances actuelles. Cependant, informer avec la fiction présente des défis, notamment lorsque les programmes sont incarnés par des figures légitimes dont la posture est difficile à tenir. Il apparaît alors essentiel de créer un pouvoir d'identification et de matérialiser les discours sur les actions et les combats.
Fiona Bélier a su révéler comment les oeuvres de fiction ont réussi à s’emparer des questions environnementales. Elle observe que le secteur audiovisuel se saisit de ces sujets afin de véhiculer une vision du monde au plus près des besoins et des inquiétudes du public. La question environnementale est traitée aussi bien dans le genre documentaire que dans le genre fictionnel. Si les pouvoirs publics français agissent à l’étape de la production en incitant à rendre la fabrication des programmes plus responsable, les professionnels de la création réfléchissent au pouvoir limité de la fiction sur les comportements des spectateurs.
Écriture créative avec les outils d’IA générative
Lors de cet atelier, Éric Wastiaux a montré comment les intelligences artificielles (IA) peuvent accompagner les réalisateurs et producteurs dans la constitution d’un dossier de production à destination des diffuseurs. Après avoir présenté son métier et son intérêt pour le documentaire, Éric Wastiaux a détaillé les enjeux que représentent les IA dans son domaine.
Un documentaire constitue un investissement financier significatif pour les chaînes ou les plateformes qui le financent. Il est donc essentiel que ces dernières soient convaincues par le projet porté par le producteur et les auteurs. Avant de s’engager financièrement, les diffuseurs et financeurs exigent un dossier de production détaillé, aligné avec leur ligne éditoriale et l'actualité géopolitique. Éric Wastiaux souligne qu’en moyenne, seulement un projet sur dix est retenu par ces chaînes.
C’est ici que l’intelligence artificielle devient un outil intéressant. La fabrication d’une série documentaire repose sur plusieurs étapes. Il faut d’abord identifier un sujet pertinent, rassembler un maximum d’informations et en extraire une problématique forte. Ensuite, il est nécessaire de structurer une histoire en s’appuyant sur des connaissances précises afin de produire une oeuvre qui, bien que documentaire, emprunte parfois des éléments à la fiction.
Les IA peuvent ainsi optimiser la recherche documentaire et l’élaboration du dossier de production. Perplexity AI est un exemple : pour l’exploiter efficacement, il est important de rédiger une requête précise et détaillée. Cela implique de définir clairement l’objectif de la recherche, en précisant la chaîne ciblée, le sujet, les contraintes géographiques et le public visé. Plus le prompt est détaillé et enrichi de données pertinentes, plus l’IA peut fournir des résultats probants.
Il est également essentiel de demander un plan détaillé et de s’assurer que les IA ne génèrent pas de contenu incomplet, imprécis ou erroné. Pour maximiser la pertinence des réponses, il faut la solliciter en lui demandant de croiser toutes les données disponibles et de vérifier ses sources. L’intervention humaine reste essentielle pour ajuster les informations, reformuler les requêtes ou demander des précisions, afin d’affiner le résultat final. Sans cette étape de relecture et de révision, où le créateur reprend la main pour corriger, enrichir ou modifier ce que l’IA a généré, il s’expose au risque de produire un mauvais contenu. Doshi et Hauser (2024) montrent que l’IA peut aider les auteurs à enrichir leurs récits en apportant des idées et en améliorant la structure de leurs textes, ce qui renforce leur créativité et le plaisir de lecture. Cependant, à force de s’appuyer sur les mêmes suggestions, les histoires finissent par se ressembler. Cela illustre un paradoxe : l’IA stimule l’inventivité individuelle tout en créant une certaine standardisation des récits.
En fin de journée, les comédiens de la troupe Griffe – Florian Bresler, Martin Martine, Margot Torres et Valentine Nogalo – ont improvisé une table ronde « hors norme ». Leur objectif : brouiller les frontières entre fiction et réalité, le tout avec une bonne dose d’humour.
Ce compte rendu a été rédigé par les étudiantes Elisa Fargeix, Constance Moisset, Faustine Brunel, Tiffanie Weber, Emre Delen et Tina Karkour, sous la direction de Jaércio da Silva et Valérie Devillard.